Contact improvisation, cadre, présence et intentions

Bougée, vivifiée, touchée, malaxée par ces derniers 3 jours à danser, entre 30 et 40, à la 10ème jam les Pieds dans l’eau de la Cie du Haut (merci Astrid), ont émergé quelques réflexions sur la question du cadre dans la pratique du contact improvisation.

Déjà, qu’est-ce que le contact impro?… Une définition mouvante selon les époques, les lieux, les personnes… Astrid nous a partagé sa définition avec laquelle je résonne pleinement : une pratique artistique d’improvisation en mouvement, qui explore le poids et le toucher.

Cette définition a toute son importance. Elle repose l’intention de ce qu’on vient explorer dans un espace de jam. Dans ces espaces d’improvisation beaucoup de choses peuvent être nourries, qui découlent de la pratique : le plaisir d’être dans le mouvement, la reconnexion à soi dans l’écoute des sensations, la liberté de bouger librement, le goût du jeu, le plaisir du toucher, du contact, la simplicité d être avec les sensations pour quitter les pensées et les affects, le sens de l’accordage, le sens de communauté, le flux du mouvement continu

Alors, si l’un vient chercher le gout de bouger librement avec la joie du toucher, et que l’autre est en train d’explorer l’improvisation avec le poids et le toucher, nous ne faisons pas vraiment la même chose. Et pourquoi pas?…

Cela m’a longtemps posé question, que ce soit en jam ou dans la pédagogie. J’observe, que ce soit en tant qu’élève ou pédagogue, que l’attention collective orientée vers une même intention soutient l’exploration, l’apprentissage, l’improvisation. Si l’on n’est pas en train de faire la même chose, ce soutien , perceptible dans un arrière plan sensible, ne peut pas être là.

Je suis souvent affectée par la qualité de l’espace en jam. On pourrait certainement me qualifier de « trop » sensible. Cela me pointe des questions qui nous concernent collectivement : Quand l’attention n’est pas orientée vers la même intention collective, où est le corps collectif? quel est-il? où sont les centres? comment peuvent ils communiquer s’ils ne s’accordent pas sur la même intention? Comment ne pas être dévié de l’intention du contact impro par tous ces autres bienfaits? ( je reprends les mots de L. et G. lors d’un partage, merci).

De mon point de vue, mon envie, la pratique de l’improvisation en mouvement exige la recherche d’une qualité de présence. D’être au plus près de ce qui est vivant dans l’instant. Cette qualité de présence est soutenue par une écoute de l’environnement interne, et une écoute de l’environnement externe.

L‘environnement interne, ce sont les sensations ( de toucher, de mouvement, de température, de tension, de tonus, de proprioception) mais aussi les ressentis, les affects, les émotions. L’environnement externe, ce sont les personnes avec qui je danse, mais aussi toutes les autres dans la pièce, le sol, la pièce, les espace entre, la lumière, les sons, les odeurs, la dynamique de mouvement dans la pièce, le tonus général, les contrepoints, l’éventuelle musique l’environnement en dehors de la pièce, les vacanciers qui se garent sur le parking et vont à la plage… L’improvisation a besoin de notre attention pour soutenir notre présence. Une attention qui voyage entre interne et externe, sur tous les plans physique, et sensible/affective.

Souvent, dans les jams avec des cadres très ouverts, et ce depuis plusieurs années, je note que je peux me sentir mal à l’aise. Mal à l’aise car je n’ai pas toujours les signaux qui me permettent de sentir que sommes orientés vers la même intention de « pratique artistique d’improvisation en mouvement, qui explore le poids et le toucher ». (par exemple, je constate un duo qui ne voit pas l’espace autour, des touchers sensuels, de l’accordage par le rythme sonore (qu’il soit instrumental ou percussion corporelle, des mouvements d’expression libre sans relation à l’environnement ou aux autres danseureuses).

Mal à l’aise aussi, et surtout, car je peux sentir de la confusion, et du figement dans l’espace : manifestée par une attention collective dispersée, des rires et jeux expressifs de représentation, des figements dans les corps (que ce soit au niveau du regard, du système nerveux qui tient, du tonus qui ne varie pas, des muscles tendus, une volonté de mouvement, de porter…). Cette dispersion ou ces figements sont pour moi des manifestations d’un état dissociatif (plus ou moins léger). La dissociation nous est régulièrement utile pour faire face aux évènements de la vie, pour ne pas surcharger notre système nerveux. Mais dans cet espace d’improvisation, il me semble que nous avons besoin d’être pleinement présent à nous-même et à l’espace partagé, humain, matériel ou autre. Et être pleinement présent implique d’être aussi en présence de nos affects, de nos émotions : je suis fatigué.e, je suis perdu.e, je m’ennuie, je n’arrive pas à danser, je n’ai pas envie de danser avec cette personne, je suis en manque de contact physique, je suis en manque d’affection, j’ai envie de décharger en faisant des blagues, je bouge librement quoiqu’il se passe dans l’espace…Tous ces affects sont là, présents dans l’espace, en sous-jacent, si on ne les reconnait pas. Ils ne peuvent pas disparaître. Alors, sentir, ressentir ces affects est essentiel pour construire un espace clair ensemble. Pour cela, prendre le temps de nommer, verbaliser ce qui est présent en nous est tout un apprentissage. Si chacun discerne et prend en charge ce qui est présent pour lui-même, alors l’espace devient plus clair.

Certain.e.s d’entre nous peuvent choisir consciemment ou inconsciemment de laisser ces affects au vestiaire. De venir juste « profiter » de l’espace. En profiter pour bouger, pour décharger et se réguler, pour être en lien, pour jouer, pour oublier tous les soucis et se recharger dans cet espace d’exploration, pour se connecter juste à son corps (mais pas à ses affects), pour performer… Et dans ce cas, nous ne jouons pas tous au même jeu, même si tout cela arrive en contact improvisation, mais plutôt comme un bénéfice de la pratique. Dans tous les cas, les affects pensés être laissés au vestiaire vont tranquillement s’inviter dans la salle, dans la qualité d’attention, avec cette ambiance de dissociation, parce qu’une partie du corps esprit n’est pas là . Nous avons besoin de tout notre être pour improviser ensemble, quelque soit ce qui nous traverse. Nous ne pouvons pas nous mentir.

Le cadre peut venir soutenir cela :

  • Suffisamment fermé, il permettra de s’orienter ensemble vers une intention collective : nous savons tous vers où nous allons et pouvons prendre notre responsabilité, ou reposer les limites.
  • Trop ouvert, il y aura la possibilité de multiples intentions qui cohabitent et ne s’accordent pas.
  • Des temps d’observation en silence, de l’espace, des danses, vont venir construire une attention de témoin.
  • La structuration de l’espace temps : horaires de début, de fin, cercle d’ouverture ou de clôture, partitions ( comme la Contemplative Dance Practice, …), commencer avec l’espace de la salle vide, soutiennent l’accordage collectif.
  • Des temps de retour/récolte/verbalisation individuels et collectifs, à partir de l’expérience vécue du mouvement dans l’espace de pratique, des sensations, des ressentis dans l’instant, permettent nommer, discerner, rendre visible ce qui pouvait être caché, laissé de côté, contenu. « Nous ne pouvons pas laisser notre vécu au vestiaire et juste venir avec notre corps » disait A. Cet apprentissage permet de construire un témoin conscient, et d’ouvrir à la transformation, voire transmutation, individuelle et collective.

L‘improvisation en mouvement nous ouvre au sensible, et pour apprendre à cultiver ce sensible, nous avons besoin de lui ouvrir la porte, de l’identifier, de le partager ensemble, pour s’accorder. Nous avons besoin de construire les cadres pour l’explorer, honnêtement, sans tricher avec nos états physiques, affectifs, relationnels. Sinon, nous sommes tranquillement, voire joyeusement dissocié, et nous passons à côté de l’expérience de sentir et partager ensemble et du merveilleux jeu de la présence en mouvement – quoique parfois inconfortable! Venons à cette « pratique artistique d’improvisation en mouvement qui explore le poids et le toucher  » engagé.e avec tous les aspects de notre être ! Ecoutons l’espace ensemble pour apprendre à sentir et à se rendre disponible pour la pratique 🙂

Bibliographie :

  • Steve Paxton « Gravité » Editions Contredanse
  • Steve Paxton, sélection de textes publiés dans Contact Quarterly 1972-1982, traduction Emma Bigé pdf ici
  • Bonnie Bainbridge Cohen « Sentir, ressentir, agir » Editions Contredanse
  • Ouvrage Collectif, « De l’une à l’autre, composer, apprendre et partager en mouvements », Editions Contredanse
  • Mabel Elsworth Todd « Le corps pensant », Editions Contredanse
  • Janet Adler « Vers un corps conscient, la discipline du mouvement authentique », Editions Contredanse
  • Daria Halprin  » La force expressive du corps, guérir par l’art et le mouvement », éditions le souffle d’or
  • James Knepper « Le corps retrouvé en psychothérapie », Editions Retz
  • Karla Mac Laren, « the language of emotions »

Toucher, trauma, réassociation en séance individuelle par le toucher.

Cela fait plusieurs années que j’essaie d’affiner, clarifier, nommer ma posture, l’intention, le cadre, le processus dans les séances individuelles que je propose avec l’écoute et l’accompagnement du corps par le toucher et les mots. Notamment les questions : est-ce un « soin »? est-ce « thérapeutique »? est-ce de la pédagogie?

Ces derniers temps quelque chose s’est clarifié, au croisement de plusieurs expériences récurrentes en séances individuelles et partages de pratique avec des collègues. J ‘observe que mon accompagnement par le toucher en individuel vient soutenir la résolution de trauma par le corps, à travers l’écoute des tissus et la conscientisation de ce mouvement. Une libération individuelle qui se fait grâce à une alliance, dans une conscience partagée des sensations, des ressentis, de l’histoire du corps (en lien avec l’environnement sociétal et ses potentiels mécanismes de violence), révélée par le toucher.

En général les séances individuelles se déroulent selon ce processus en plusieurs temps :

  • d’abord un temps d’accordage entre nos personnes à travers le contact des mains sur le corps et l’écoute à travers ces mains, immobile, aux pieds, à la tête. Cela soutient l’arrivée d’une confiance, corporelle, sous les émotions, nécessaire pour travailler ensemble dans ce contexte. Nous dialoguons par la parole sur les sensations, les ressentis, nous vérifions ensemble si le corps se détend dans ce contexte de toucher. Si ce n’est pas le cas, nous cheminons ensemble vers cette détente et un climat de sécurité. Le chemin d’écoute, d’accordage, de dialogue est déjà en soi une résolution, qui permet d’identifier les endroits de consentement, de désaccord, de besoin, de déconnexion, ou d’absence de conscience de sensation. Parfois cet accordage ne se fait pas, soit ce n’est pas le bon moment, soit je ne suis pas la bonne personne.
  • une fois cet accordage et cette confiance installée (ce qui peut prendre 5 min comme plusieurs séances) émerge un temps d’écoute des besoins des tissus du corps : j’accompagne leur besoin de mouvement, d’étirement, de compression, de poids, ou de présence immobile… à un niveau local, plus global ou encore au niveau cellulaire. L’écoute des fascias peut permettre cette écoute de la mobilité ou du figement allant du global au plus microcospique). Dans cette phase, j’ai le ressenti que ce sont les tissus qui prennent confiance dans le fait qu’ils peuvent se détendre, et qu’on va suivre leur besoin. A chaque instant, la personne peut nommer ses besoins (plus fort, plus lent, plus léger, pause) ou ce qui émerge comme sensation, émotion, ou pensée. C’est un moment où le corps se rééquilibre. Le fait de pouvoir laisser émerger et nommer les émotions et pensées à partir du corps permet aussi de faire parvenir à la conscience certains aspects de nous qui étaient restés dans l’ombre. Elles se présentent, nous les rencontrons et c’est tout.
  • Puis il arrive parfois un moment où les tissus se mettent à bouger « de manière autonome » sous mes mains, que ce soient des micromouvements, ou des plus grands mouvements. A ce moment là, je perçois souvent une grande intensité émotionnelle, qui est parfois ressentie par la personne, parfois pas, parfois verbalisée parfois pas. Ce moment peut durer de quelques minutes à dizaines de minute, une qualité de temps suspendu est présente. Comme si un mouvement qui avait été empêché, qui n’avait pas pu avoir lieu jusqu’ici, pour de multiples raisons, se manifestait, et que le corps retrouvait ensuite un équilibre( voir les travaux de Peter Levine sur ce sujet. C’est une sorte de résolution qui se manifeste. Il peut y avoir des sensations de chaud, de froid, des larmes, rires, de la parole, ou un endormissement, un relâchement se produit. Les informations dans les nerfs ont recommencé à circuler, et le système nerveux autonome fait son travail de rééquilibrage.

J’ai remarqué que cette dernière étape se produisait souvent en lien avec des traumas physiques mais aussi émotionnels : accidents, immobilisations, opérations chirurgicales, accouchement médicalisé… Les tissus ont besoin de terminer le mouvement qu’ils n’ont pas pu faire. Et souvent, la conscience corporelle de ces endroits peut rester comme séparées du reste du corps. C’est très fin, en général on ne s’en rend pas compte dans la vie quotidienne, car le corps cherche toujours le meilleur équilibre pour que nous soyons fonctionnels en toutes circonstances. Le fait de mettre le focus et de pouvoir écouter cet espace qui n’a pas pu être écouté peut permettre de libérer un mouvement, un point de blocage autour duquel le corps-personnalité s’est organisé, un peu déséquilibré… et donc d’ouvrir de nouvelles possibilités, de laisser d’anciens schémas, qu’ils soient physiques, émotionnels ou psychiques.

Quant à la première étape, celle de la confiance dans le toucher elle est souvent tout un champ de travail lorsque les personnes ont vécu de la confusion avec le toucher et la relation ( violences sexistes et sexuelles, relations incestuelles ou incestueuses…) et dans le cadre d’un trauma de développement (trauma complexe). Le travail en séance peut permettre d’identifier les zones d’ombre, de dissociation, et de reconstruire la conscience de sa présence dans son corps. S’ouvrir à ses sensations, quand il y a eu des violences, se fait étape par étape, sans forcer le temps ou le processus, car derrière chaque sensation écoutée, il peut y avoir une émotion forte qui est restée bloquée dans les tissus, pour assurer la survie à travers un mécanisme dissociatif. Reconstruire un espace de confiance dans la relation dans le toucher à travers la conscience des sensations et le consentement est une étape à la fois subtile, indispensable, et au chemin inconnu dans lequel nous nous engageons en alliance. Sans cette alliance de rester présent et à l’écoute, ensemble, on ne peut reconstruire l’accès à son corps.

Cette perception de l’accompagnement dans le toucher s’est construite au carrefour de mes différentes pratiques et recherches croisées :

  • celle, au centre dans ma pratique, du Body Mind Centering®, où nous allons écouter le corps de manière globale, locale, cellulaire fluide ou tissulaire et soutenir son équilibre par le toucher et le mouvement.
  • celles d’autres pratiques de toucher, que je nourris à travers des échanges de séance avec des praticiens notamment celle de la biodynamique cranio sacrée, avec Laëtitia Andrieu, un courant ostéopathique où le praticien offre un point d’appui par sa présence dans le toucher pour que le corps se réorganise au niveau des fluides, celle de l’ostéopathie tissulaire, du shiatsu ou de médecine chinoise
  • celle du Life/Art Process®, où nous faisons dialoguer de manière créative les niveaux de conscience corporels, émotionnels, mentaux/imaginaires et où nous apprenons à lire les corps dans le mouvement,
  • celle de la Somatic Expériencing® de Peter Levine, psychiatre américain qui a travaillé sur la résolution de trauma par le corps viennent confirmer ces expériences etdes travaux sur le trauma complexe d’Aline Lapierre et Laurence Heller basés sur le Somatic Experiencing®, avec lesquelles j’ai abondamment cherché en échanges de pratiques depuis plus de 7 ans avec ma collègue et amie Agnès Millet, qui travaille sur les émotions dans une approche corporelle.
  • celle de la supervision avec une Gestalt thérapeute formée en Body Mind Centering® qui m’a permis d’aller questionner ma posture et les résonnances avec les personnes que je recevais,
  • la lecture et conscience des mécanismes systémiques de violences : oppressions, violences médicales, éducatives, hétéropatriarcale… qui font que parfois on est conditionné à se dire que ce n’est pas important ou pas grave mais le corps n’a pas toujours le même avis… ( exemple des opérations chirurgicales, qui même si elles sont indispensables, restent un trauma pour le corps, ou des violences systèmiques : sexisme interiorisé, validisme interiorisé…),
  • celle de la posture de l’éducation populaire : c’est la personne concernée qui sait pour elle-même. L’idée est de proposer des ressources vers l’autonomie et de faire alliance pour se libérer ensemble.

« Faire alliance pour se libérer de nos dissociations. » Voilà ce que je fais, il me semble. Faire alliance pour se libérer de nos dissociations, qui parfois viennent d’oppressions systémiques, ou d’oppressions sur le corps et de la manière dont on le traite, comme un simple outil. Il existe peu d’espace pour que le corps puisse terminer son mouvement, le temps de faire son processus, peu d’espace pour écouter ce qu’il a à dire, car c’est lui qui est d’abord le garant de notre équilibre. Peu d’espace pour trouver les ressources, la sécurité dans les sensations, pour développer sa capacité à rester là, à avoir accès à l’information dans l’instant et à pouvoir consentir ou pas. Car si l’on est déconnecté d’une partie de notre corps, notre consentement aura moins de possibilité d’être éclairé et plein.

Donc ces séances sont bien une forme de soin, mais un soin qui se fait dans une alliance à deux, dans une recherche de consentement et de conscience, avec une intention d’apprentissage, de transformation et de dépasser nos schémas habituels.

C’est un chantier de réapprendre à l’écouter et de le laisser parler. Cette réhabilitation du corps me semble le support pour l’émancipation, le consentement, la clarté de pensée, l’esprit critique. Et cela se construit ensemble. Comme dirait mon ami et collègue Benoît Palacci , qui accompagne les collectifs et fervent adepte de l’éducation populaire : « si ma libération est liée à la tienne , alors on peut travailler ensemble ».

Mon expérience avec la théorie polyvagale et pourquoi j’ai arrêté de travailler avec.

J’ai découvert la théorie polyvagale en 2019 lors de ma semaine de formation sur le système nerveux en Body Mind Centering®. Une semaine qui avait été très spéciale pour moi avec énormément de saturations sensorielles et de remontées émotionnelles, un apprentissage très fort. J’avais senti que quelque chose se passait avec mon nerf vague. Et en même temps, Katy Demoke une des enseignantes de la semaine, spécialiste du trauma, m’avait glissé à l’oreille  » tu peux aller voir du côté de la théorie polyvagale. »

(note pour celleux qui ne connaissent pas : la théorie polyvagale est une théorie qui donne des repères basés sur la physiologie du système nerveux autonome, sur le sentiment de sécurité et de menace dans les interactions sociales. Elle est arrivée comme une explication valable et soutenante dans les milieux d’accompagnement souhaitant relier le corps, les émotions, le mental).

Je m’étais empressée de commander le seul livre en français existant à l’époque, celui d’Eric Marlien, ostéopathe « le système nerveux autonome, de la théorie polyvagale au développement psychosomatique », et de regarder en boucle une vidéo de Deborah Dana, introductive à une formation pour les ostéopathes sur la théorie polyvagale.

A partir de ces informations, et des principes du Body Mind Centering®, j’ai passé une année à plonger dans l’exploration des sensations et des perceptions à partir de la grille de lecture du système nerveux autonome et de la théorie polyvagale : différence de sensations avec le système nerveux sympathique ou parasympathique, observations de mes états d’ouverture, de fermeture, de figement, ou comportement de défense , de sentiment de sécurité, avec qui ou avec quoi je sens que je me corégule… Je dialoguais presque quotidiennement avec une amie impliquée dans l’éducation somatique et passionnée de biologie qui faisait les mêmes explorations que moi. Cela a été une grande période où j’ai pu prendre conscience de mes états physiques de figement, de comportements de défense, et de mes états de sécurité. Et de quelles activités, quelles relations étaient soutenantes. Cela était extrêmement précieux pour comprendre mes besoins, et en prendre soin.

J’ai pu un an après faire la première formation en ligne en 2020 avec Mandoline Whittlesey sur le sujet (qui je viens de le voir ne parle plus de théorie polyvagale sur son site, je viens de lui écrire pour en savoir plus) .Cela m’a confirmé le travail que j’avais fait et les apprentissages déjà réalisés, tout en affinant la grille de lecture un peu plus loin.

J’ai ensuite développé une formation de 16 jours, sur la régulation des émotions par l’approche somatique, qui apprenait à développer notre sentiment de sécurité dans notre corps avec l’approche d’éducation somatique, à observer nos états, pour avoir plus de conscience et de choix et se rendre autonome. Elle était basée sur l’approche du Body Mind Centering® (mais aussi le Life/Art Process® et la pratique du mouvement authentique) et les apports de la théorie polyvagale. Elle a eu lieu deux années de suite et est pour l’instant en suspens pour diverses raisons.

Bref j’étais bien plongée dans cette théorie, pendant au moins 3 ans, comme une grille de lecture toujours là.

Cette grille m’a énormément soutenue à reconnaître les états de mon système nerveux autonome, les transitions, les figements, les réactions de défense (fuite, combat), les sensations et perceptions que j’avais quand je sentais en sécurité ou quand je me sentais menacée. Et à voir à quels moment dans la réalité dans l’instant il n’y a pas de menace. Donc à reconnaître du figement, ou de la panique résiduelle, liée à un stress post traumatique. Et à observer ces états chez les autres, à accompagner à la conscience de ces états, et à m’aider à me positionner.

Cela est venu en parallèle d’une recherche sur l’approche somatique du trauma, notamment en explorant avec les travaux de Peter Levine (Somatic Expériencing) et Aline Lapierre & Larry Heller sur les traumas de développement. La théorie polyvagale venait confimer les travaux cliniques réalisés par ces psychothérapeutes et psychiatres depuis de nombreuses années. Là aussi, j’ai exploré/incorporé ces questions pendant de longs mois en dialogue avec ma collègue Agnès Millet ( Life/Art Process® et travail sur les émotions Dynamic Emotionnal Integration®, qui soutient à travailler avec les émotions, à écouter leur message plutôt qu’à les gérer, dans une approche avec sensations et ressentis).

Comme je suis passionnée d’anatomie et de physiologie et leur incorporation (c’est à dire comment on développe la conscience de soi à travers nos sensations et nos perceptions…), je creusais, je creusais. Et je ne trouvais pas d’informations sur la neuroception, ce phénomène de la théorie qui est en son centre qui dit que nos systèmes nerveux autonome communiquent sous notre conscience. Mon expérience ne correspondait pas à ce que Stephen Porges décrivait de la neuroception : je ne ressentais pas que je m’accordais avec les autres avec leurs expressions faciales, la prosodie de la voix ou les mouvements des mains. Ce que je ressens aujourd’hui, c’est plutôt que cet accordage sous la conscience se fait au niveau du tonus, comme la psychomotricité l’évoque. Et encore plus finement, que je m’accorde à différents tonus, de tous nos tissus : tonus nerveux, tonus organique, tonus global, tonus cellulaire, tonus des fascias…. C’est notamment comme cela que l’on apprend en Body Mind Centering, un endroit où je commence depuis ces années d’exploration et transmission à avoir un peu de connaissance expérientielle, à laquelle je fais confiance. Mes sensations et ressentis sont réels, même s’ils sont subjectifs, ils m’informent et ouvrent des questions quand nos perceptions sont différentes. (sur l’accordage des tissus, à creuser avec les questions les recherches sur les fascias et la continuité tissulaire)

Donc cela a commencé à me faire prendre un peu de distance avec cette théorie.

Puis Agnès, avec qui je travaillais, dans sa formation sur les émotions a eu l’information d’articles scientifiques qui remettaient en cause les fondements de la théorie polyvagale. En voici deux ici en français, et un autre en anglais :

  • Le 1er, de la faculté de médecine, Université libre de Bruxelles, remet en question deux hypothèses de base de la théorie : le principe d’évolution phylogénétique des branches du nerf vague, et le fonctionnement du noyau dorsal.
  • le 2nd, de l’hôpital universitaire de Bâle, est intitulé  » défis fondamentaux et réfutations probables des 5 prémisses de base de la théorie polyvagale ». Il remet plutôt en question la méthodologie de mesure, ce qui remet en cause les conclusions : un seul phénomène mesurable, celui de l’arythmie sinusale respiratoire , sert de pivot à pratiquement toutes les hypothèses de Porges. L’hypothèse de Porges indique que cette arythmie sinusale respiratoire est un phénomène propre aux mammifères, mais selon ce chercheur, cette hypothèse ne semble pas confirmé par le reste de la littérature scientifique.

C’est le principe même de la recherche, quelqu’un « trouve » quelque chose, d’autres l’infirment ou le confirment. Et par accumulation de toutes ces recherches, on commence au bout d’un certain temps à avoir une connaissance un peu plus complexe, un peu plus complète, qui finit par valider à 99% ou pas. Cela m’a fait prendre conscience que cette théorie polyvagale était une théorie, c’est à dire un ensemble cohérent d’explications induites par l’accumulation d’observations ou de faits expérimentaux. Et qu’il y a forcément des raccourcis, des impensés, des choses à confirmer. Une théorie et donc pas une vérité absolue. Cela nous montre qu’il y a encore du travail pour valider cette théorie.

Aussi je constatais que je me sentais à l’étroit dans cette théorie. Que la corégulation (dans ses aspects positifs comme négatifs) était plus fine et multiformes qu’énoncée dans la théorie, et avec un sentiment de malaise: j’ai parfois/souvent la possibilité de me réguler seule, surtout quand je développe des ressources à travers des thérapies et des apprentissages de mon corps senti et ressenti, je peux rester régulée devant quelqu’un « dérégulé », que veut dire « dérégulé »? quelle part de subjectivité et d’assignation? Moi j’aurais compris que l’autre est dérégulé quand lui-même ne le sait pas? cela me semblait pas très éthique… Et puis si je suis « dérégulée » peut-être qu’il y a une bonne raison, que cela m’indique quelque chose, quelque chose qui doit être traité en moi, ou quelque chose qui doit changer dans mon environnement. Peut-être qu’il y a une action à réaliser quand je suis en sympathique défensif , comme partir ou poser mes limites ?

Cela arrivait en même temps que la théorie polyvagale inondait les réseaux, les psychothérapeutes, et les personnes en recherche personnelle de régulation, pour enfin expliquer comment fonctionne les relations humaines. Comme LA solution qui donne enfin la réponse à nos questions. Qui explique potentiellement les conflits, les désaccords, nos déséquilibres… Dans ce cas, je suis (maintenant) toujours un peu méfiante. Surtout quand il y a des potentiels marchés fructueux dans le monde du développement personnel à la clé. Le cerveau appréciant la simplification, nous aimons trouver des théories qui expliquent les choses, simplifient, c’est reposant. Mais le risque est de distordre la réalité on en voit bien les conséquences au niveau politique internationale et nationale en ce moment…). La simplification est dangereuse car elle lisse les réalités et les singularités. Et notre envie de comprendre ou de faire des liens ne doit pas l’oublier (voir les travaux du psychologue et neuroscientifique Albert Moukheiber sur ce sujet). Soyons humbles sur nos connaissances. Il est normal de ne pas tout savoir, de ne pas pouvoir tout expliquer.

Et enfin, oui, cette grille de lecture m’aura permis d’affiner ma compréhension des états du système nerveux autonome chez moi et chez les autres, de clarifier quand je me sentais en sécurité ou quand je ne me sentais pas en sécurité, de clarifier si la menace était réelle dans l’instant ou venant des évènements passés restés bloqués dans un figement. MAIS à force de voir cette grille, chez moi, les autres, je n’ai pas pu voir d’autres grilles de lecture. Notamment celle plus sociologique des inégalités, à travers les approches féministes ou de lutte contre les dominations, qui évoquent les principes de déni, de confusion, d’incohérence entre des mots et des actes ( 2 lectures intéressantes sur ce sujet  » gaslighting ou l’art de faire taire les femmes » d’Hélène Frappat, philosophe, et « reconstruire après le trauma : des violences domestiques aux violences sociales », de Judith Herman Lewis, psychiatre).

Je trouve toujours précieux de pouvoir apprendre la conscience de son état autonome et même de voir celui des autres. Cela nous facilite pour faire des transitions, pour s’accorder, s’écouter, faire ensemble, grandir, apprendre et guérir des traumas, individuellement et collectivement. C’est cela que je garde de l’exploration avec cette théorie. Mais finalement, le support le plus important pour moi dans cette exploration reste la capacité à sentir et se ressentir, pour construire sa sécurité intérieure et interagir avec respect et sérénité. Et à garder en tête l’esprit critique qui lui seul peut nous protéger des dominations et des malheureuses absurdités de certains comportements humains. Et que cela se cultive ensemble, dans des relations respectueuses et conscientes des mécanismes de pouvoir.

La clarté, un acte politique?

(note : cette fois ci j’ai plutôt genré au féminin, dans la mesure où les personnes qui enseignent les pratiques somatiques sont très majoritairement des femmes)

Dans les pratiques d’éducation somatique, on apprend à sentir, de manière de plus en plus fine. A sentir notre corps, à travers nos sensations, à sentir notre corps et sa relation avec son environnement, à travers nos perceptions. A nommer, à distinguer. A distinguer ce niveau physique avec les sensations et perceptions, le niveau émotionnel avec les ressentis et émotions, le niveau mental avec l’imaginaire, les mythologies, les histoires, les récits.

Les pratiques d‘éducation somatique, sont l’endroit où l’on réinforme notre corps à travers de nouvelles sensations et perceptions de soi-même, au niveau physique et de manière consciente. Il s’y fait un apprentissage conscient de ce qui nous constitue dans notre matière corps, nos tissus, notre organisation dans le mouvement. (à différencier des pratiques « somatiques » et non d’éducation somatique, qui permettent de donner des ressources au corps et un rééquilibrage, comme le yoga ou le qi qong, mais où il n’y a pas forcément l’apprentissage de la conscience de nos tissus, de notre mouvement et la capacité à nommer d’où émerge le mouvement ou la sensation.). Cela se fait dans un cadre clair, que ce soit l’espace, le temps, ou l’intention.

Au fur et à mesure de l’apprentissage, une clarté de corps et de mots se construit. Chaque pratique a sa couleur , son orientation propre. Certaines pratiques vont être davantage axées sur certains systèmes du corps, d’autres inclure le développement sensorimoteur, d’autres sur tous les systèmes et d’autres sur la mise en mots et le discernement.

Ce qui sous tend l’apprentissage est un état perceptif « modifié » ou non habituel ( voir les écrits de François Roustang sur ce sujet, notamment « savoir attendre »). Nous ralentissons, et portons une attention à certains endroits précis de notre corps, ou à certaines qualités. Ce n’est pas le niveau d’attention que nous utilisons dans le quotidien et nos repères sont bousculés. C’est ce qui ouvre à l’apprentissage et au changement. A cet endroit l’enseignante a un rôle non négligeable. Outre le fait qu’elle doive créer les conditions nécessaires pour que les personnes se sentent suffisamment en sécurité, confortable et autonome pour être disponible pour l’expérience, elle doit être attentive à être claire dans ses propositions. A ce que ses mots, son langage soit en cohérence avec ce que son corps fait.dit.incarne. Pour ne pas créer de la confusion. Puisque l’intention est de rendre clair, et de développer une conscience claire de son corps, de son mouvement et de sa relation à l’environnement.

Dans les pratiques d’éducation somatiques, c’est parce que nous avons fait l’expérience dans le corps que nous pouvons la transmettre, la nommer, la clarifier, la rendre claire et créer les expériences pour les personnes qui apprennent.

A cet endroit il me semble que en tant qu’enseignante, nous avons une responsabilité éthique. Comment puis-je être au plus clair dans ce que j’incarne et mettre les mots les plus clairs pour que les personnes fassent une expérience de cohérence, et non de confusion? Les pratiques d’éducation somatique développent cette qualité :

  • par leur pédagogie même : où la personne qui apprend est autonome et responsable de son propre chemin, dans une recherche où elle est elle-même l’objet d’étude. Et où pour certaines pratiques les apprentissages se font dans la coopération : nous partageons nos expériences vécues dans l’apprentissage (en Body Mind Centering par exemple)
  • où l’intention de l’apprentissage est de rendre plus autonome, plus clair, plus conscient, plus équilibré, et plus respectueux des singularités et des limites de chacun.e pour soi et en relation

Quand l’intention de l’utilisation de la conscience du corps est autre que celle du soutien de l’autonomie et du respect de chacun, il me semble qu’il y a un problème éthique. Quand les mots ne sont pas suffisamment clairs, pour savoir ce que l’on observe ou d’où l’on initie le mouvement, il me semble qu’il y a une amélioration pédagogique possible.

La clarté est au coeur des pratiques d’éducation somatique, pratiques qui amènent chacune à trouver les ressources pour prendre appui sur son expérience propre. A devenir sujet. A devenir actrice. A pouvoir faire des choix et valider ses sensations, ses ressentis.

La confusion étant le terreau de la manipulation individuelle ou collective (voir entre autres l’ouvrage Gaslighting, de la philosophe Hélène Frappat, ou les travaux de Naomi Klein), cultiver la clarté, dans nos intentions et dans nos mots me semblent un acte révolutionnaire politique et éthique. Et c’est sur la base de cette clarté que nous pourrons développer notre esprit critique individuel et collectif, ne pas faire de raccourcis ou d’amalgame et cultiver la cohérence et le respect.

Quelques références non exhaustives :

  • Le site d’éducation somatique france, association professionnelle reunissant 5 pratiques d’éducation somatique : Feldenkrais®, Body Mind Centering®, Eutonie Gerda Alexander®, Technique Alexander®, gymnastique holistique Ehrenfried® https://www.education-somatique.fr/quest-que-l%C3%A9ducation-somatique
  • Yvan Joly, Définition de l’éducation somatique http://yvanjoly.com/downloads/Def_pages_educ_som-fr.pdf
  • Hélène Frappat « Gaslighting ou l’art de faire taire les femmes », Editions la Relève, 2023
  • Héloïse Husquinet,  » ‘Du corps intime au corps social’. Pratiques somatiques et pensée critique. Dialogue avec Sylvie Fortin », Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE asbl), décembre 2018. URL : https://www.cvfe.be/publications/analyses/167-du-corps-intime-au-corps-social-pratiques-somatiques-et-pensee-critique-dialogue-avec-sylvie-fortin
  • François Roustang, « Savoir attendre pour que la vie change », Odile Jacob, 2006
  • Bonnie Bainbridge Cohen « Sentir, ressentir, agir », Editions contredanse, 1993, traduction française Madie Boucon 2002
  • Janet Adler  » Vers un corps conscient, la discipline du mouvement authentique », Editions contredanse, 2002 traduction française Marie-Pascale Lescot 2016
  • Matthias Alexander « L’usage de soi », Les éditions de la danse , 1932, traduction française Contredanse 1996
  • Judith Lewis Herman  » Reconstruire après les traumatismes, de la maltraitance domestique aux violences sociales », Interéditions, 1992, traduction française Gerard Battarel 2023
  • Steve Paxton « Dartington Mars » 1976, article paru dans Contact Quarterly, traduit par Emma Bigé 2016

Toucher, confusion, séduction et contact improvisation

Notre société occidentale ne nous éduque pas au toucher.

Ou plutôt elle nous y déshabitue, dès petit.

Le toucher en devient cantonné :

– aux espaces de soin (vers les enfants, les malades, les personnes âgées, les personnes non valides, ou toutes celles qui ont besoin de soin ou d’aide),

– aux espaces amoureux sensuels, sexuels,

– aux espaces de camaraderie dans les sports d’équipe,

– ou encore aux espaces de bagarre.

Les personnes éduquées comme filles seront plutôt orientées vers les espaces de toucher qui prennent soin, tandis que les personnes éduquées comme garçons seront plutôt éduqués vers les espaces de toucher vers la bagarre ou la camaraderie dans les sports d’équipe.

Les espaces de toucher entre filles et garçons sont souvent très tôt orientés vers une forme normée «  amoureux » (le classique amoureux ou amoureuse dès la maternelle). Et alors les filles et garçons, qui deviendront plus tard hommes et femmes ou d’un autre genre n’ont comme apprentissage dans leur relation tactile seulement l’espace de la séduction, qui emmène vers la sensualité, la sexualité.

En contact improvisation, nous partageons notre poids, à travers le contact dans le toucher. Ce point de contact évolue dans le mouvement. Il y a différentes qualités de toucher qui permettent d’accéder à différentes qualités de partage de poids, pouvant nous amener à chuter, rouler, bouger, voler, ensemble, dans une désorientation qui se réoriente en continu, plus ou moins lente, plus ou moins dynamique.

Alors nous y (ré)apprenons toute une palette de touchers, qui vont impliquer différentes perceptions de notre corps en mouvement, à travers nos récepteurs sensoriels, que sont les propriocepteurs des muscles, des tendons, des fascias, des os qui nous informent sur où nous sommes et comment nous bougeons, à travers notre oreille interne qui nous informe où est le sol, à travers nos récepteurs de la peau qui nous donnent la pression, l’humidité, la température, à travers les intérocepteurs de nos organes.

Le toucher est l’un des premiers sens qui se développe, dès in utero, en même temps que le mouvement. Il est fondamental dans notre développement. Revenir au toucher, au mouvement, dans nos perceptions peut rouvrir nos possibilités dans la vie, fermées peu à peu par notre éducation, nos habitudes, notre histoire de vie.

« L’expérience du mouvement et du toucher est fondamentale dans la découverte de qui nous sommes, de qui est autre, et de comment nous dansons cette vie ensemble.(…)

Quand l’expérience du mouvement est intégrée dans notre éducation, notre perception de nous-même et du monde change (…)

Le Contact improvisation est un exemple éclatant de cette ouverture de nos perceptions et par conséquent de nos options, de notre sensibilité, de notre conscience, de notre capacité à réagir, et à avoir un sentiment de réussite vis à vis de nous-même et de la communication que nous avons avec notre partenaire. »

( Bonnie Bainbridge Cohen, dans Sentir, Ressentir, Agir)

Alors en pratiquant le contact improvisation, nous réinvitons ce champ des possibles. Sentir son corps en mouvement, en contact, jouer et s’orienter avec ses sens, comme le ferait un enfant qui découvre comment son corps bouge dans son environnement. Qui apprend à prendre confiance dans ses appuis et dans l’interaction avec l’environnement physique et humain.

Cet espace qu’offre le contact improvisation est précieux par sa rareté, son intention de cultiver la présence, l’écoute, dans le mouvement improvisé. On y goute la possibilité de se sentir, ensemble, juste être là, jouer ensemble, développer une palette de mouvements, de touchers, plus sensible, pleine de reliefs, de singularités, de possibilités, en dehors de notre éducation.

Il nous invite à être créatif pour s’écouter, pour s’accorder. Et à sortir des normes sur le toucher dans lesquelles nous sommes éduqués, en développant un toucher dans la gamme du sensoriel, qui soutient l’écoute, l’accordage, le respect de notre intégrité.

Alors au début, quand on découvre la pratique et qu’elle nous plaît, tout s’ouvre.

Les frontières sur notre rapport au toucher se déplacent, se transforment, se questionnent.

Notamment quand l’accordage se fait, et que cette personne pourrait nous plaire. Où est-on alors ? Dans la séduction ? Dans l’énergie qui circule ? Dans la sensualité ? Dans la pratique ? Dans le partage de poids ? Dans l’improvisation ? Dans juste se faire plaisir ? L’espace devient confus.

Après une quinzaine d’années de contact improvisation, et de nombreux échanges, je crois que nous traversons (presque) toustes ce moment de confusion, ce questionnement : où est la limite quand notre corps s’ouvre et s’abandonne à la relation dans le toucher et le mouvement ? Quand cela devient-il un espace de sensualité ?

Je suis particulièrement sensible à ce sujet, pour avoir été « cueillie » lors de ma première soirée d’atelier/jam, où mon corps exultait de joie et de libération d’avoir trouvé ce qu’il attendait sans le savoir, par une personne qui m’a ensuite suivie, dans le vestiaire, le métro, puis chez moi, profitant de la confusion sensorielle d’une néophyte ravie, et que cette relation se sera prolongée dans une relation malsaine perverse durant presque 10 ans et qu’elle aura laissé mon cerveau en sidération pendant quelques années plus encore.

Au début, je ne pouvais que confondre la libération que j’avais sentie dans mon corps en dansant avec ce qui m’avait été appris dans l’éducation : le toucher entre homme et femme avec une connexion, c’est forcément une relation amoureuse ou de la séduction.

Eh bien les années passant, nous apprenons à reconnaître que non. Nous pouvons avoir une immense connexion dans le toucher, sentir toutes nos cellules vibrer, se sentir être ouvert à un espace plus vaste ensemble, se sentir profondément vivant et connecté, comme dans ce qu’on trouve d’habitude dans les relations d’amour, simplement dans la pratique., sans glisser vers l’espace de la sensualité. Parce que nous y cultivons la présence dans l’instant, l’écoute, la créativité ensemble.

C’est en cela qu’elle est riche. Elle réinvente des modes d’être ensemble, en improvisation. Elle cultive notre autonomie et notre capacité à être en relation comme on est, dans notre corps à l’instant. Elle nous offre la possibilité d’élargir notre palette relationnelle, sensorielle, d’être plus pleins, singuliers, de cohabiter et s’accorder ensemble dans nos différences.

Aussi, tout cela, je crois que je l’ai trouvé de manière très claire dans la pratique du Body Mind Centering, parce que les rôles sont clairement définis dans les moments de toucher, et que ce ce toucher est d’abord dans une dynamique d’apprentissage de nos perceptions, des différents tissus. Qu’on y nomme, et l’on y confronte nos sensations, nos ressentis. On y apprend à savoir où l’on est

Alors pour permettre à cette richesse pleine de vie d’advenir en contact improvisation, il nous faut créer des conditions pour permettre d’éviter de se cantonner endroits auxquels la société nous a assignés dans nos pratiques de toucher : fuir la séduction, fuir l’inconfort et la douleur, fuir le pouvoir sur, fuir l’asservissement.

Pour soutenir cet espace de pratique, nous pouvons :

  • Favoriser un espace où nous sommes des corps vivants et bougeants avant d’être des corps sexués
  • Favoriser un espace où nous sommes responsables de suivre nos besoins et limites et de pouvoir se le dire sans enjeu et en s’écoutant
  • Favoriser un espace où nous sommes coresponsables de créer les conditions et l’espace soutenant pour l’émergence de la pratique.

Plus encore, il est indispensable de créer les conditions de sécurité physique et psychique des personnes qui partagent l’espace. D’être responsable ensemble, de ne pas dépasser les limites fixées.

Alors que faire quand le désir sensuel arrive dans une danse ? Car oui, il peut nous traverser, et il va nous traverser, car nous sommes des êtres vivants, mammifères humains, avec des sens vivants. Et que l’intimité que l’on vit dans le contact improvisation ouvre parfois ses portes.

A ce moment là, on peut DECIDER de ne pas le cultiver.

Ne pas cultiver l’endroit de la confusion, qui est toujours le premier pas dans la manipulation.

Utiliser la «  tension » du désir dans le mouvement, plutôt que s’engouffrer dans la sensualité.

Revenir au sensoriel, avant l’interprétation de signaux.

Transformer l’énergie, transformer la danse, réorienter le mouvement ou la qualité de toucher, changer de tonus.

Ou voire même la quitter si ce désir subsiste et ne se transforme pas.

Et puis quand on est néophyte, aller en parler avec quelqu’un de plus expérimenté

Et quand on est plus expérimenté, soutenir ces conditions de sécurité en ne s’engouffrant pas dans la confusion que créée cette explosion sensorielle des premières années.

Un point de vue, parmi d’autres, dans cette pratique multiformes.

Alice Browaeys – 19 décembre 2023

Merci aux personnes avec qui nous avons échangé sur ce sujet et la pratique, de nombreuses fois et qui ont contribué à l’élaboration de cette pensée.

Ces émotions parfois trop intenses…

J’ai passé des années à me demander comment faire avec mes états émotionnels et mes humeurs.

D’abord en les subissant, en me demandant ce qui clochait chez moi, à me dire que je n’étais pas normale (ce qui a fini par me faire commencer une thérapie).

Puis en les appréhendant, en les écoutant, à passer des mois, année après année, à écouter chaque sentiment et à aller chercher quel besoin s’exprimait derrière.

Puis à les sentir, dans mon corps, où est ce que ça se situe dans mon corps, ce que je sens, ce que je ressens.

Puis à faire dialoguer toutes les émotions contradictoires, à faire trouver un terrain d’entente à toutes ces parts intérieures antagonistes, qui créaient de la tension en moi.

Puis à les laisser être dans une créativité, sans les analyser- ou en les analysant moins- les laisser être dans la danse qui s’exprime, les laisser être en dessin, les laisser être en mots, en écriture automatique.

Apprendre à laisser circuler, à ne pas juger. A regarder le flot des émotions comme je regarderai une rivière en crue : le flot qui déborde va-t-il m’emmener ? Vais-je mourir de cette intensité ? Et si je regardais plutôt l’arbre qui est solidement planté à côté de cette rivière en crue ?

Et puis je n’en suis pas morte.

Alors je continuais à apprendre à sentir, ressentir.

Et puis au fur et à mesure, je comprenais dans mon expérience que ce n’était qu’un flot d’informations que mon corps, mon système nerveux avait emmagasiné, et qui était restée coincé. Coincé dans mes tissus, coincé dans mes nerfs, coincé dans mes fascias. Allons savoir pourquoi… Finalement peu importe l’explication, c’était là, et il fallait y porter de l’attention.

Et comme c’était coincé, figé, une certaine chimie du corps se mettait en marche. Une chimie hormonale, qui crée les ambiances d’humeur. Et qui faisait que toujours je sentais le désespoir, la lassitude, la tristesse, alors même que la joie et la confiance attendaient au portillon. Et tout cela se matérialisait par un cocktail d’hormones, équilibré pour mon corps tel qu’il était à ce moment là, avec ses restrictions, ses habitudes. Avec ses pensées qui favorisaient tel ou tel cocktail.

Alors je laissais mon système nerveux «  décharger ». Décharger le trop plein d’informations sensoriel senti à un moment. Décharger par le corps qui s’exprime, en larmes, en tremblements, en rire, en bâillements, et puis parfois en imaginaire, en mouvement. Souvent en présence d’un témoin qui était avec moi, comme une présence aimante et sans jugement (en thérapie ou dans des pratiques qui favorisent la corégulation, comme le mouvement authentique), ce qui me permis d’apprendre à m’aimer avec tout ce qui se passait en moi et de développer un témoin intérieur.

Et puis au fur et à mesure je compris cette chose si simple : notre corps enregistre toutes les informations sensorielles. Ces informations sensorielles, une fois connectées à notre cerveau, deviennent des informations émotionnelles. Et nos émotions façonnent la chimie de notre corps. La chimie de notre corps façonne nos humeurs.

Alors la simplicité m’apparut pour cultiver un autre équilibre en moi : il n’y a qu’à laisser aller le trop plein d’informations sensorielles. Pas besoin de comprendre, de m’identifier, d’analyser. (encore qu’il me semble parfois que la remise en question est nécessaire dans d’autres contextes).

Simplement mettre en mouvement le corps , et laisser le système nerveux autonome faire circuler les informations électriques dans mon corps. Laisser cela bouger, sans juger, sans analyser, sans imaginer, sans se projeter pour nettoyer ce trop plein d’informations. Faire de l’espace pour libérer ces trop plein d’informations. Et surtout créer les espaces sécurisés pour les laisser aller.

Les organismes vivants, vont naturellement vers la vitalité, l’équilibre, la coopération. Le corps humain n’en est pas une exception.
Sommes nous malades de nos pensées ?

Comment nos pensées peuvent-elles être au service du vivant, en nous et autour de nous ?

J’ai fini, avec par renommer mon cerveau : le planificonteur : celui qui planifie, et celui qui imagine. Mais pas celui qui décide!

En aucun cas je ne souhaite que ce soit lui qui prenne les décisions premières, qui sont de l’ordre de mon coeur et de ma chair.

C’est ce qui me touche profondément dans certaines pratiques de danse, d’improvisation, ou les pratiques somatiques : cet espace où être soi tel que l’on est, dans sa singularité du moment. De laisser aller ce qui est là, dans le corps, tout en étant attentif à l’espace partagé. Être et créer ensemble à partir de l’espace de la sensation.

Le soi d’hier n’est pas le soi d’aujourd’hui, ni celui de demain. Nous avons, dans la présence à la sensation, l’espace possible du changement et de la non fixité dans nos mouvements, dans nos attentes, dans nos croyances.

Alors dansons, vivons, attentifs à nos sensations, à l’instant présent 🙂

PS vous voulez aller plus loin sur ce sujet? Je propose un cycle de 4 ateliers en ligne du 13/11/20 au 4/12/20 cycle d’atelier/formation « Régulation émotionnelle, sensibilité et système nerveux »

Construire une sécurité intérieure

Dans le post précédent ( quitter la peur, des pistes par le corps et l’expression), j’évoquais comme hypothèse que pour se libérer de la peur, c’était l’accueil de ce qui est présent dans le ressenti et le laisser faire dans le mouvement qui permettaient de laisser la peur se dissoudre. Un accueil plein d’amour et de curiosité, comme un parent bienveillant avec son jeune enfant le ferait.

Dans l’accueil de ces peurs, nous nous ouvrons à nos espaces de vulnérabilité.

La rencontre de ces espaces ne peut se faire que dans des conditions où nous nous sentons en sécurité, où nous pouvons nous détendre, ne serait-ce que d’un petit pourcentage. L’endroit où parfois le soupir arrive, où la détente s’invite, où la vigilance tendue peut se relâcher.

Si nous nous sentons confiant, en lien avec nous-mêmes, en sécurité, nous pouvons faire l’expérience de cette sensation de peur, l’accueillir, en solo. Il suffit alors d’ouvrir son attention à ce qui présent, de faire de l’espace, accueillant, plein d’amour et curieux, et d’être témoin de ce ressenti et de ce mouvement, qui agit au delà de notre volonté, dans nos cellules. Nos cellules savent très bien suivre le courant de la vie, de la vitalité. En témoigne tout le mystérieux processus du vivant qui fait que nous sommes issus de 2 cellules qui se rencontrent, puis s’attirent, puis créent un contour, puis font de l’espace, puis s’attirent, créent un contour, font de l’espace…et nous voilà adultes… Les pratiques méditatives, en immobilité ou en mouvement sont un excellent support pour aller à cette rencontre de cet accueil et de cet espace.

Mais quand à l’intérieur, nous ne nous sentons pas suffisamment en sécurité avec nous-mêmes ? Cela peut se traduire par un stress latent,  de l’hyperactivité, de l’hypoactivité, de la confusion, une dévalorisation ou un manque de confiance en soin, de l’autosabotage…), c’est que le soutien intérieur n’est pas encore construit ou a été ébranlé par un évènement dans notre vie.

Il n’y a que nous-même qui puissions SENTIR si nous nous sentons en sécurité, si nous nous sentons suffisamment bien, pour nous ouvrir à cette vulnérabilité. Cela est un ressenti, et pas une logique qui devrait être rationnelle. C’est notre système nerveux autonome qui nous le fait sentir et nous n’avons pas de prise la dessus au niveau de notre pensée. Et c’est là, dans cet endroit de confiance,  où nous pourrons nous abandonner à ce ressenti. Ce n’est qu’à partir de cet endroit là que nous pourrons nous ouvrir au ressenti de la peur, et aux mouvements qui en émerge.

Alors peut se mettre en place un cheminement, pour reconstruire cette sécurité intérieure.

Dans ce cheminement, la première étape, préalable à toute chose est de goûter le support, le soutien.  Ce qui nous soutient est dans notre lien à notre environnement. A la fois physique : comment nous pouvons nous déposer, nous détendre, dans un repos, sentir comment la terre nous porte dans un rapport à la gravité ( voir relaxation  » être accueilli par la terre« ). Mais s’incarne aussi dans le relationnel, en lien avec une personne qui pourra être notre témoin, nous voir avec amour, neutralité et bienveillance. Là, nous pourrons faire l’expérience à la fois de rester présents à nos sensations, peut-être commencer à nous détendre, en relation, et aussi, du soutien que l’on peut sentir dans une relation. Il ne s’agit pas d’agir par la volonté, mais de vivre ce soutien, de s’autoriser à le ressentir, de gouter intérieurement peu à peu, pas à pas… Et cela se fera uniquement si notre système nerveux autonome le sent, au delà de notre envie ou de notre analyse ou rationalisation.

« A force de ne pas être suffisamment vu, ou vu avec suffisamment de tolérance, d’amour, de conscience, demeure en nous, une fois adultes, le désir d’être vu par l’autre. Il existe, en occident notamment, un besoin profond d’être vu tels que nous sommes, dans la simplicité de nos actes. Nous y parvenons parfois, lorsque nous sommes prêts à grandir dans l’amour, le pardon, dans l’acceptation de nous-mêmes et des autres. » ( Janet Adler). Voilà de quel type de soutien relationnel il s’agit.

C’est là que notre système nerveux autonome goûte alors la sécurité. Cela se fait par capillarité, par écho, par contamination avec un autre système nerveux régulé. Peu à peu nous apprenons à faire confiance, à nos ressentis, sous le regard bienveillant d’une autre personne. Et peu à peu nous faisons grandir notre témoin intérieur, celui même qui nous permet de construire une confiance en nous.

« Le témoin intérieur apprend à accompagner le corps dans les formes que va prendre le soi en mouvement, découvrant peu à peu sa vérité. Il apprend à reconnaître ce que le corps sait directement. Le corps est notre sensation, l’émotion que nous ressentons. Le corps est notre expérience de nous-mêmes, le temple dans lequel brûle la lumière de notre esprit » (Janet Adler).

Tranquillement, peu à peu, pas à pas, un soutien intérieur, c’est à dire une confiance en nos ressentis et nos capacités d’agir et être au monde vont s’installer. Peu à peu nous aurons de moins en moins besoin de la relation extérieure bienveillante  pour faire miroir à la bienveillance et à l’amour habitent en nous, et pourrons goûter la confiance et la sérénité. Peu à peu, nous pourrons transférer ces nouvelles compétences, ces nouvelles ressources, dans notre vie quotidienne, en nous confrontant aux aléas de la vie, et observer que nous pouvons plus oser nous exprimer, prendre des risques, dire nos limites, et constater que nous arrivons à nous ressourcer.

Je crois que nous avons profondément besoin les uns des autres pour grandir ensemble, sortir de nos peurs, nos manques de confiance. Offrons-nous de vivre des pratiques, des espaces où nous partageons bienveillance et accueil plein d’amour. De nombreuses pratiques existent dans ce sens, où l’espace du cœur est présent. Et cela me semble un véritable atout pour construire un monde plus résilient.

Dans ces pratiques, un cadre contenant et clair permet que chacun puisse s’autoriser à se déposer et à se dire, dans un espace bienveillant et sécurisant. Nous avons besoin de reconstruire ces habitudes de voir sans jugement, que ce soit nous-même ou l’autre, car nous n’y sommes pas habitués dans notre société et dans notre système éducatif. Petit à petit, ces habitudes se construisent en nous, et le cadre pourra devenir de plus en plus flexible, jusqu’à ce qu’il soit de plus en plus intégré intérieurement.

Je citerai comme ressources quelques pratiques que j’ai traversées,  que ce soit des pratiques thérapeutiques, de corégulation ou d’espaces de connexion à soi, avec  un témoin engagé dans la présence au corps et à l’expression de soi :  communication non violente, le dialogue des multiples aspects intérieurs, le mouvement authentique, réévaluation par la coécoute, mais aussi dans certaines pratiques de mouvement improvisées qui explorent selon les praticiens avec témoin ( Life/Art Process, contact improvisation…). On peut aussi trouver des résolutions dans cette confiance à l’autre  et en soi dans des pratiques de vie collective, que l’on peut vivre dans des espaces corporels comme dans les pratiques somatiques, ou dans des espaces plus en lien avec la vie sociale comme dans la sociocratie,  l’holacratie, ou des expériences anarchistes, ou encore dans ce qu’on appelle la permaculture humaine.

Bonnes explorations à vous!

 

Liens ressources en écho :

 

 

Quitter la peur, oui mais comment faire? Des pistes par le corps et l’expression.

Dans le post précédent, je partageais à quel point nous avions besoin de nous libérer de nos peurs, qui nous empêchent de prendre tout notre pouvoir et de construire un monde résilient.

Très bien, mais… quand on a peur, on a peur. Et ça ne se décide pas de ne plus avoir peur. La bonne nouvelle, c’est qu’en laissant vivre notre ressenti dans le corps, dans un contexte sécurisé, on peut la transformer, puis transformer dans nos croyances, nos comportements, et changer nos repères intérieurs pour développer la confiance.

Alors voici quelques repères (non exhaustifs, et vus à travers mon filtre, issu de mon cheminement, de mes rencontres, échanges et lectures  – liste de ressources en bas de page) pour cheminer dans cette libération intérieure, vers la libération collective.

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  1. La peur est ancrée dans le corps => 1ère étape :  se connecter à ses sensations corporelles, à notre conscience corporelle. Plein de chemins existent pour gouter la conscience du corps en mouvement : on pourra citer certaines pratiques de mouvement en présence comme le yoga, le Qi Gong, les arts martiaux, la danse sous différentes formes…
  2. Une fois que l’on a ouvert la porte vers le corps, 2ème étape  :  apprendre à sentir son corps ici et maintenant et nouer un dialogue, une relation singulière avec lui.  Ici, il s’agit d’allier présence au corps en conscience, et apprentissage à partir de notre corps en mouvement et dans la relation au monde, de notre corps ressenti, de notre corps vécu. C’est notre corps lui-même qui nous enseigne et nous propose des chemins, des réponses qui sont au service de la vie. Les pratiques d’éducation somatique notamment ouvrent un champ qui permet d’aller rencontrer corps et conscience et de se réapproprier un processus d’apprentissage qui part du vécu : Feldenkrais, Body Mind Centering, Technique Alexander, Rolfing, certaines pratiques d’improvisation dansée, notamment le contact improvisation… Certaines pratiques de présence, comme par exemple le Focusing,  le systema ( art martial russe basé sur l’improvisation et l’écoute) ou la communication non violente (si elle passe par un aspect de présence corporelle)  viennent nourrir cet espace de conscience à ce qui est présent dans l’instant. Là est la clé : être avec ce qui est là, apprendre à l’accueillir avec curiosité et amour (voir la video d’Isabelle Padovani sur la « restabilité » comme ressource sur ce thème).
  3. Puis maintenant que nous sommes en lien avec ce qui est présent maintenant dans notre corps : 3ème étape : laisser le mouvement se faire, dans son chemin singulier. Ici il s’agit que le mouvement de peur qui n’a pu se terminer dans son expression et qui est resté stocké dans notre corps, dans nos tissus, puisse trouver un chemin pour s’exprimer,  qui fera résolution. C’est le mouvement de vie de notre corps qui s’exprime naturellement. Ici, en particulier, les pratiques de mouvement libre, improvisation, et conscients ouvrent cet espace : mouvement authentique, improvisation dansée, contact improvisation, mouvement régénérateur, danses thérapies… mais aussi l’expression par le dessin, l’écriture, ou toute autre forme créative sans intention peuvent permettre ce mouvement.
  4. Le mouvement se fait , et là s’ajoute une 4ème étape : il importe de mettre en lumière et de relier cela à son vécu au niveau mental, de mettre de la conscience, pour transformer nos croyances. Harmoniser le niveau mental, ce que l’on perçoit de soi, avec le niveau physique.  Ne plus croire que  » nous sommes comme-ci », ou « nous sommes comme cela ». Certains schémas de réponse nous ont sauvé la vie (ne pas sentir quand c’est trop intense pour que notre système cardiaque puisse le supporter, par exemple, a été utile), il importe maintenant de ne rester bloqué dans cette réponse, de ne pas croire que nous sommes cela, de les remercier, et d’apprendre à cultiver d’autres réponses, qui sont plus au service de qui nous sommes en tant qu’adulte réémergé de nos souffrances. Les pratiques qui lient le mental, les émotions et le corps sont d’une grande utilité à cet instant : Life/Art Process, danse thérapie, ou thérapies qui engagent le vécu corporel, notamment via les émotions. Les émotions sont alors comme une balise, un gps pour nous indiquer le chemin entre le corps et le mental et vice-versa.
  5. 5ème étape, qui se fait peu à peu : la peur s’est exprimée, et à ce moment là, il importe de construire de nouvelles habitudes de comportements, physique et mental. Cela se fait en écoutant, ressentant et observant, en étant témoin de notre nouvelle manière d’agir , de notre créativité qui émerge de notre corps, dans une situation où il y aurait les mêmes stimuli. Voir que l’on construit de nouvelles compétences et que notre réponse est de plus en plus adaptée à la situation.  Ici, on pourra citer entre autres comme ressources les pratiques d’éducation somatiques , le Life/Art Process, le systema ( art martial russe dont les réponses sont liées à l’écoute et l’improvisation)  ou les thérapies dans l’ici et maintenant, engageant le corps en lien avec le mental et l’émotionnel comme la gestalt thérapie. C’est la phase où l’on peut aussi essayer, cultiver dans notre corps/esprit une nouvelle manière de répondre en essayant consciemment d’autres chemins, dans des situations où la peur est ressentie mais pas réelle, comme dans un studio de danse. L’occasion d’essayer de nouvelles réponses sans être en danger, comme dans un jeu, avec notre conscience présente et au fur et à mesure devenir de plus confiant.

Toutes ces étapes se font par chevauchements, aller-retours, entremêlements, comme une spirale centripète et se déroulent dans un ordre qui est propre à notre corps, qui porte un vécu singulier.

Cette sortie physique de nos blocages qui propose d’aller rencontrer notre peur peut nécessiter d’être accompagnée. Tout seul, la peur peut nous couper de nous, nous figer. Recevoir de l’attention et de l’amour à l’endroit où nous sommes restés blessés ouvre un écrin pour accueillir la transformation . Être vu(e), être accueilli(e) dans nos vulnérabilités, par quelqu’un avec qui nous sommes dans un cadre dans lequel nous nous sentons en sécurité, est souvent d’un grand soutien et nous permet au delà de nous sentir accueilli, de prendre de la distance, de développer un « témoin intérieur ».  Ici un cadre thérapeutique peut-être soutenant, dans des thérapies qui engagent le corps et l’accueil bienveillant par la présence au cœur, et aussi les pratiques de corégulation (s’offrir d’être vu en échange dans un protocole clair et un cadre équivalent en temps, dans notre mouvement, dans qui nous sommes, un apprentissage de se dire en présence de l’autre, et de voir l’autre tel qu’il est), comme dans la pratique du mouvement authentique, ou la pratique de la réévaluation par la co-écoute.

 

Et puis et puis, prendre conscience que « nous ne sommes pas nos histoires de vie » (voir Deborah Dana, théorie polyvagale, plus bas). Oui notre système nerveux a réagi à ce moment là de cette manière là, car c’est la meilleure manière qu’il a trouvé pour sauver tout le monde, corps et esprit, dans ce moment-là, mais d’autres solutions sont possibles. Bien souvent nous ne les voyons pas, noyés dans nos détresses et nos habitudes, il suffit de laisser l’espace au corps de décharger, de terminer le mouvement, pour que nous entrevoyons d’autres possibilités, pour que nous retrouvions peu à peu la lucidité et notre capacité d’action à partir d’un espace clair et serein, en lien avec notre vécu.

 

« Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme. »

Invictus – William Henley

 

Ressources, entre autres et j’en oublie sans doute :

Bibliographiques :

  • Janet Adler  » Vers un corps conscient, la discipline du mouvement authentique », éditions Contredanse
  • Bonnie Bainbrige Cohen  » Sentir, ressentir, agir », éditions Contredanse
  • Ouvrage collectif  » de l’une à l’autre, composer, apprendre, et partager en mouvements », éditions Contredanse
  • Daria Halprin  » La force expressive du corps », éditions le Souffle d’Or
  • Peter Levine  » Réveiller le tigre » sur le trauma, éditions InterEditions
  • Laurence Heller/Aline Lapierre  » Guérir les traumatismes du développement », éditions InterEditions
  • article « Théorie polyvagale , guide du débutant« , Deborah Dana
  • Eugene Gendlin  » le focusing, au centre de soi », éditions de l’Homme

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Post-confinement : de l’indispensabilité de quitter la peur, le corps comme mémoire et comme ressource pour retrouver son pouvoir.

Quitter la peur, voilà un bon moment que je suis avec ce thème que j’explore sous l’angle émotionnel, corporel, des histoires personnelles et des traumas petits ou ou grands, des relations et de l’organisation de la société.

Envie de partager sur ce thème en ce moment où la peur s’invite : parce que nos repères sont bousculés, parce que nous vivons des situations anxiogènes dans ce confinement qui nous prive de notre liberté de mouvement et de contact, parce que certains vivent l’isolement, d’autres la violence banale, psychique ou physique, d’autres le deuil, ou d’autres encore sont plus exposés à un danger,  mais aussi parce que l’avenir est incertain, que ce soit à court terme ou à long terme….

Et puis parce qu’en situation de peur, nous sommes vulnérables. Et en situation de vulnérabilité, nous pouvons être pris dans la confusion, voire dans la sidération, et en situation de confusion et de sidération, alors nous sommes très facilement « disponibles » pour être victimes d’abus de pouvoir. ( en témoigne le très bon documentaire « la stratégie du choc » de Naomi Klein sur les prises de pouvoir totalitaires suite à des chocs nationaux quels qu’ils soient).

Je pense à l’après confinement. Quelle capacité aurons-nous à agir, individuellement et collectivement? Il me semble urgent et indispensable d’avoir l’esprit clair et toute la disponibilité pour construire un monde résilient et rester lucide sur les dynamiques de pouvoir en place dans nos systèmes d’organisations. Et pour cela, il nous faudra quitter les peurs qui nous habitent. Non, non, ne pas les oublier, les cacher, les ranger au fond d’un tiroir, ou les surmonter par notre volonté, mais bel et bien aller les voir, les rencontrer, ouvrir les yeux, face à elles, trouver l’espace de les accueillir,  de les chérir amoureusement, de dire, d’exprimer, pour pouvoir les vivre afin qu’elles se transforment. Les vivre dans notre chair, les sentir dans nos corps, pour qu’elles se dissolvent et ainsi n’encombrent pas nos pensées, nos ressentis et nous laisse toute notre capacité d’action.

Mais comment faire? D’abord, quelques explications du fonctionnement de la peur.

La peur est déclenchée par un danger. Elle peut être générée par une situation immédiate de danger dans le présent (par exemple un accident, une chute, une attaque) où tous nos sens se mettent à l’affut, et nos organes vitaux en fonctionnement optimal pour agir au plus vite,  ou par une sensation de danger. Cette sensation de danger, plus diffuse, peut être provoquée par ce qui est dans le présent (par exemple : j’entre dans une pièce, et je sens mon cœur s’accélérer, la chaleur qui monte et un sentiment de malaise), mais aussi par l‘imaginaire, la mémoire, la pensée.. (on a tous eu peur d’une araignée, et pensé qu’elle mesurait 10 cm quand elle en mesurait 1, ou encore certaines situations comme marcher la nuit seul, se retrouver face à certaines personnes qui inconsciemment nous rappelle des situations anciennes déjà vécues : sans qu’on puisse l’identifier, on se sent que quelque chose ne tourne pas rond..).

C’est là où nous pouvons agir : la plupart d’entre nous avons gardé en nous un certains nombre de peurs, sans le savoir, et sans même le sentir. Et cela nous met des ornières, nous empêche de voir la réalité (et donc le danger) telle qu’elle est vraiment. La plupart d’entre nous agissons dans un référentiel qui est emprunt de peur, qui crée des comportements rigides pour rester en sécurité et cela limite notre action dans le monde. En effet, les systèmes dans lesquels nous évoluons depuis petits sont des systèmes construits sur l’autorité et non sur la coopération, que ce soit l’école, les institutions ou le modèle parental en général. L’autorité est basée sur un pouvoir qui n’est partagé, ou pas équitablement. Dans cette autorité, on apprend les chemins de  » ce qu’il faut faire », et non de ce que l’on sent, de ce que l’on pressent, de notre pensée singulière ou de action propre. Et c’est la peur qui s’invite : peur de déplaire, peur de ne pas convenir, peur d’être différent, peur de ne pas avoir ce qu’il faut pour survivre (amour et subsistance) si l’on ne suit pas le chemin proposé, peur des représailles physiques ou psychiques dans certains cas.

Alors comment faire pour quitter ces peurs?

En cas de peur, c’est le même phénomène qui s’enclenche dans notre corps. C’est notre corps qui décide en premier lieu, l’information va direct activer le système nerveux sans passer par la réflexion car il faut agir vite. L’être humain utilise quatre chemins possibles pour réagir face à un danger, tous issus de l’évolution phylogénétique.

En tant qu’humain, animal social, et dernière évolution phylogénétique en cas de peur, nous allons d’abord « négocier« ,  trouver une solution avec ce qui nous fait peur. Cela est possible en utilisant notre cortex, notre raison et agissant à partir d’un endroit de sécurité intérieure. Cela n’est pas possible en général, avec un système ou dans le cas d’un pouvoir qui n’est pas équitablement réparti.

En second , si négocier ne fonctionne pas, on va combattre. L’énergie va monter, le sang affluer dans les muscles, grâce à un système bien combiné système nerveux, système hormonal qui vont envoyer toutes les informations dans notre corps, en ne passant pas par le cortex. Cette énergie est un puissant catalyseur pour l’action. Dans notre société, en tant qu’enfant, cette énergie est qualifiée de colère, et est souvent peu reçues : « il/elle est colérique », alors que c’est juste la puissance de l’expression de soi qui prend le chemin de l’expression et qui est en train d’apprendre les limites de soi et l’altérité, pour aller vers la solution de la négociation. Ce mouvement arrêté, les enfants choisiront les solutions suivantes. En tant qu’adulte, nous gardons la trace de ces mouvements de défense de notre territoire non résolu dans notre corps, si la réponse qui n’a pas pu se terminer, sous la forme première ou sous une autre forme d’expression plus appropriée ou dans un autre contexte sécurisé (jeu, thérapie, sport, conscience…)

Si combattre est inenvisageable ( si je suis par exemple face à un lion, ou à un adulte ou un système qui a plus de pouvoir que moi), alors on va prendre ses jambes à son cou et fuir. A ce moment là, de la même manière, le sang est amené au cœur et aux muscles pour courir 3 fois plus vite que d’habitude.  En étant enfant, fuir de chez soi est improductif puisque nous avons besoin des adultes pour survivre. Par la-même, notre corps garde en mémoire ces moments, où de peur ( d’être grondé, de ne pas être accueilli…) nous n’avons pas pu fuir, et la peur reste stockée.

Et puis, si fuir est inenvisageable, alors l‘ultime solution est de se couper de ses sensations. Ne plus sentir, faire le mort, se figer. Là, la mémoire nous fait alors défaut, c’est pour cette raison que des victimes de violence ne s’en rappellent plus, mais le corps lui se souvient, les informations nerveuses , les toutes premières, qui ont détecté le danger sont toujours là, le cerveau limbique a bien retenu l’expérience, mais notre cortex ne l’a pas amené à la conscience . Le corps n’a pas pu engager une réponse en action, alors l’information reste en mémoire dans les tissus, jusqu’au moment où elle a l’espace pour s’exprimer,  et où le cortex en prend conscience.

Et c’est là, dans ce figement, dans cette coupure de nos sensations, nous perdons notre pouvoir, notre puissance. Et rentrons dans un cercle vicieux : je ne sens pas, donc j’exprime de moins en moins qui je suis, donc je sens de moins en moins… Adulte, nous gardons ces peurs d’enfant liées au fonctionnement sociétal, si nous ne les avons pas déchargées par le corps et mises en lumière, en les laissant s’exprimer dans des endroits où nous avons pu les sentir et les laisser se transformer en sécurité, que ce soit en thérapie, en cours d’art martial, en dansant, en dessinant, en retraite…

Comme ces peurs ne sont pas conscientes, puisqu’elles sont au niveau du système limbique si nous n’y prêtons pas attention, nous ne voyons pas que notre périmètre se rétrécit, jusqu’au jour où, peut-être nous nous sentirons trop à l’étroit, jour qui n’arrivera peut être jamais selon le degré de sidération dans lequel nous nous trouvons.

Apprendre à sentir, là est la clé. Sentir le corps pour laisser se transformer, sentir les émotions, comme une boussole qui nous indique ce qui est présent, et voir les croyances qui s’y sont construites. Peu à peu, pas à pas, et laisser le corps terminer les mouvements de réponse aux situations de peur qu’il a gardé en mémoire se terminer, dans des espaces sécurisés, par l’expression et le mouvement, pour retrouver un champ attentionnel plus vaste. Ré-élargir nos points de vue.

Alors que se passe-t-il dans cette période de confinement? Chacun avec ses peurs. Le besoin primaire de contact, de toucher, qui nous nourrit, qui nous régule, qui donne ne sens de nous même mais aussi le sens de l’autre, est mis à mal. Ce contact, cette proximité, cette chaleur humaine qui nourrit le soi et l’altérité. Notre confiance dans la stabilité, dans l’abondance pour maintenant et pour le futur, questionnée. Et bien d’autres peurs encore.

Chacun avec ses peurs, et si nous les laissons nous amener dans le figement, dans la sidération, nous sommes perdus.

Osons sentir ce qui nous traverse, osons trouver du soutien quand nous en avons besoin, une oreille, un réconfort, un câlin (pour ceux qui sont confinés à plusieurs). Osons nous exprimer, en mots, en mouvement, en créativité, pour que ce figement ne reste pas à figement et se transforme en mouvement, seul moyen de libérer nos tissus et notre système nerveux de la peur qui nous a traversée. Osons dire et partager nos vulnérabilités, pour partager notre humanité.
Et alors seulement là, nous serons capable de clarté, de lucidité, d’action, de prendre en charge notre vie, de prendre notre pouvoir et construire un monde qui respecte toute forme de vie, à l’image de la manière dont nous respectons la vie à l’intérieur de nous-même.

 

Pour plus d’info sur la résolution des peurs et des traumas petits et grands, voir notamment « Réveiller le tigre » de Peter Levine, et la Somatic Experiencing.

Corps, discernement et politique : réflexions et ressources

Pendant ce confinement,confinée en solo et sans travail ni enfants à m’occuper, et en attente de la suite remise à plus tard, j’ai tout le temps de prendre le temps. Le temps de ne rien faire, ne pas être productive, le temps d’être avec moi, même si ça fait déjà plusieurs années que je suis déjà en train d’organiser mon temps, ma vie, mon « travail » dans cette direction.

Et en même temps que cet espace qui prend des airs de retraite dansée et sensorielle, à base d’explorations dansées en nature, d’exploration du système nerveux en mouvement et en lectures, de yoga du matin, de pratiques de respiration, d’écriture, de marche, d’observation de la nature en me laissant happer par un ver de terre ou un hérisson… une saine et vivante révolte se lève en moi : quelle forme prend ma contribution dans ce monde dont je vois tant les dysfonctionnements? Comment puis-je continuer à nourrir ce qui me semble contribuer au vivant, ET dénoncer, démonter, transformer ce qui ne prend pas soin du vivant? En moi, et dans le monde, en même temps? Je vis en ce moment qu’étant au plus proche de moi, chaque jour s’invite un peu plus de discernement sur mon vécu, et sur le monde plus large dans lequel nous vivons.

Mon corps-esprit, ce territoire qui me permet de « sentir, de ressentir, d’agir », comme le nomme si clairement Bonnie Bainbridge Cohen, (qui a développé la pratique du Body Mind Centering). Celui qui me permet d’être à l’écoute de ce qu’il se passe en moi, de donner forme à mes aspirations, de les mettre dans la matière, de dire oui au vivant qui se manifeste en moi, et de dire non à ce qui ne me convient pas, à ce qui injuste, quand je le vis, que ce soit en étant directement concernée ou témoin.

Dire oui au respect du vivant,  au pouvoir de chacun respectant celui de l’autre. Prendre son pouvoir sans prendre le pouvoir, à l’instar de nombreuses pratiques ou manière d’être au monde dans des champs différents qu’ils soient éducatifs, potagers ou décisionnels, je pense à la permaculture, à une parentalité engagée et positive, aux écoles démocratiques, à la sociocratie, aux entreprises libérées…

Dire non aux injustices, non aux prises de pouvoir, voilà ma révolte. Que ce soit le sexisme, le racisme, les violences verbales ou physiques vers les enfants, les lobbys pharmaceutiques, les lobbys agricoles, les violences policières… Mon outil ? mon corps, mes sensations, mon discernement, ma parole, mon action au quotidien et mes projets. En perdant ma connexion à lui, je perds mon ressenti, mon espace, intérieur, ma lucidité, mon pouvoir d’action.

J’entends à l’instant où j’écris cette phrase : « Résister et Aimer à la fois  » (un podcast à soi, charlotte Bien Aimée – le pouvoir des mères).

Alors dans cette dynamique de « résister et aimer », j’avais envie de partager quelques ressources qui en ce moment viennent m’ouvrir les yeux sur la réalité, parfois dure à voir, déconstruire mes croyances, nourrir ma réflexion, puis inspirer mon mouvement, qu’il soit purement expressif dans la danse, ou mis en forme dans le monde, pour nourrir notre discernement, déconstruire les oppressions, s’informer, construire la présence, et l’amour :

 

S’informer, nos corps et nos libertés de vécus et élargir nos points de vue

Nourrir la présence et le discernement :

Et puis tous les jours, faire une, deux, trois ou quatre pauses

et tout simplement, prendre le temps de gouter un inspir, un expir

ou prendre le temps une minute ou deux, de laisser le corps se mettre en mouvement de la manière dont il a envie de de se mettre en mouvement, sans jugement.

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